Prise en charge des victimes dans les centres d’accueil

« Je suis soulagé, elle est enfin prise en charge dans un centre adapté pour victimes de proxénètes d’adolescents et protégée de ses bourreaux. Mais elle m’a aussi raconté récemment tous les délits qu’elle a commis ces derniers mois, ce n’est pas rien… Je ne sais pas toujours très bien comment me positionner par rapport à tout ça. »

Benjamin, éducateur dans un service d’aide à la jeunesse

« Je comprends que c’est important maintenant de couper tous les liens avec le monde extérieur, pour garantir ma propre sécurité. Mais d’un autre côté : pourquoi est-ce que c’est moi qui suis enfermée ici alors que mon proxénète est encore toujours libre de faire ce qu’il veut ? »

Léa, victime

Idéalement, après qu’une victime de proxénètes d’adolescents ait été signalée, c’est dans un centre d’accueil spécialisé qu’elle devrait être prise en charge. Ces centres peuvent assurer la sécurité de la victime en étant localisés à des adresses secrètes, non connues par le grand public. Ils proposent également un encadrement adéquat et une prise en charge pluridisciplinaire afin d’aider une victime à surmonter ses traumatismes et à se réintégrer dans la société. 

Meza est un centre d’accueil spécialisé pour les jeunes filles victimes d’exploitation sexuelle qui a ouvert ses portes en Flandre en 2022. Dans cette interview, vous entendrez de quoi sont remplies les journées des jeunes filles qui séjournent là-bas, les phases par lesquelles elles passent pour pouvoir se détacher de leur proxénète et pour pouvoir réintégrer la société, ainsi que les obstacles rencontrés.

Melanie Zonderman, Accompagnatrice Juridique mineurs chez PAG-ASA et Meza (Minor Ndako)

En Fédération Wallonie-Bruxelles, seul Esperanto propose actuellement quelques places pour des victimes d’exploitation sexuelle. Les autres places au sein d’Esperanto sont réservées pour d’autres mineurs, garçons ou filles, belges ou non-belges, présumés victimes de la traite des êtres humains, de trafic et de violences liées à l’honneur.

Il existe donc un manque criant de centres d’accueils adéquats en Fédération Wallonie-Bruxelles permettant un « time out » pour les victimes de proxénètes d’adolescents, une étape essentielle dans leur trajet de résilience. Il s’agit en effet de la première étape dans la réparation émotionnelle, affective et psychologique.

Afin de vous donner un petit aperçu de l’accueil proposé chez Esperanto, voici le détail d’une journée-type au sein de la maison, agrémenté de quelques photos.

En semaine, réveil à 7h00 tous les matins. Le weekend, libre à chacun de dormir aussi longtemps qu’il le souhaite.

3 repas par jour sont proposés à des heures fixes, en plus d’un goûter pour ceux qui le souhaitent .

Dans un  premier temps, du lundi au vendredi, de 8h30 à 12h00, des cours de français, les mathématiques mais également la géographie et l’histoire de la Belgique sont enseignés en classe au sein de l’institution, en compagnie des autres jeunes et des éducateurs scolaires.

Dans un second temps, les jeunes ont la possibilité de fréquenter l’école à l’extérieur et ce, suivant leur projet. Une étude accompagnée est  également proposée tous les jours de la semaine de 18h à 19h par les éducateurs.

De 13h30 à 16h00 les éducateurs proposent des activités privilégiées centrées sur la créativité des jeunes.

Les jeunes ont également du temps libre pour se reposer, regarder la télévision, écouter de la musique, … Mais les éducateurs proposent  aussi parfois une partie de jeux de société ou la réalisation de bracelets, organisent un match de football ou de tennis de table, une promenade en vélo ou une excursion à la piscine.

Si un jeune souhaite sortir seul pour aller se promener, faire du sport, du shopping ou autre, une demande doit être effectuée auprès de l’éducateur titulaire.

Cependant, pour des raisons de sécurité, les sorties sont interdites durant au moins le premier mois qui suit l’arrivée du jeune dans la maison.

Une « réunion jeunes » obligatoire a lieu chaque mercredi après-midi. Elle permet de donner la parole aux jeunes concernant les évènements vécus dans la maison, mais également d’exprimer ses demandes et ses besoins. 

Enfin, Esperanto a la particularité d’avoir une équipe pluridisciplinaire ; ce qui permet d’accompagner le jeune dans sa globalité. Il a donc régulièrement des entretiens avec la psychologue, la criminologue, l’assistante sociale et la psychomotricienne. Ces rendez-vous se réalisent du lundi au vendredi, en fonction des activités scolaires et extra-scolaires du jeune. Un suivi médical est également assuré.

« Elle a fait un bon bout de chemin ces derniers mois. Mais quel a été l’impact de cette prise en charge ? Y a-t-il un risque qu’elle retombe dans le réseau ? »

Benjamin, éducateur dans un service d’aide à la jeunesse

« J’ai fait des pas de géants depuis que je suis ici, je suis fière de moi. J’ai coupé les ponts avec tous les gens du réseau. Mais je sais que je suis encore au début d’un long chemin, j’ai encore besoin de temps pour me reconstruire complètement. Qu’est-ce que l’avenir me réserve ? »

Léa, victime