Child Focus étant la Fondation pour enfants disparus et sexuellement exploités, nous avons une très bonne vue sur les liens étroits qu’entretiennent la fugue et l’exploitation sexuelle dans la prostitution.
Du haut de ses 16 ans, J. vous explique ce qui l’a poussée à fuguer alors qu’elle n’en avait que 12, ses expériences négatives durant l’enfance et ce qui était pour elle « la pièce manquante » dans son développement.
Dans certains cas, c’est la fugue en elle-même qui mène à des situations d’exploitation sexuelle, car leur comportement de fugue rend ces jeunes filles extrêmement vulnérables. C’est précisément dans ces moments-là que le manque d’encadrement et de soutien se fait ressentir, et c’est ce manque qui est comblé par les auteurs. Il n’est donc guère surprenant que l’exploitation sexuelle ait souvent lieu durant ces moments de disparition. Les proxénètes d’adolescents parviennent alors à mettre sur pied un « business » lucratif : recueillir les jeunes filles en errance qui s’enfuient à répétition des institutions et/ou qui aspirent à une vie différente. Pour ce faire, ces jeunes filles recherchent des issues et des solutions concrètes. Outre le recours à des tactiques d’attachement émotionnel, les auteurs offrent alors à ces jeunes filles des moyens matériels qui permettent de découvrir une vie nouvelle, comme par exemple procurer un hébergement. L’attachement se concrétise alors principalement par l’idée de fournir une structure, qu’il s’agisse de procurer un sentiment (plus prononcé) de sécurité, un hébergement, de la nourriture, de (petites) sommes d’argent ou des rations de drogue. L’attachement s’articule alors autour de l’idée qu’il existe une cachette sûre, que la nouvelle vie peut être pleinement vécue, et qu’il existe une liberté totale pour rechercher des amis et explorer de nouveaux milieux.
Nous retrouvons J. qui raconte son expérience de fugue qui s’est rapidement muée en exploitation sexuelle. Son parcours après cette première fugue a mené à de nombreux placements, mais aussi à d’autres multiples expériences de fugues dans les années qui ont suivies.
Dans d’autres cas, la fugue est un signal fort d’une situation d’exploitation sexuelle. En effet, pour pouvoir retrouver leurs clients, les jeunes filles n’ont pas d’autres choix que de quitter le domicile familial où l’institution dans laquelle elles sont placées. Comme mentionné précédemment, les fugues fréquentes et multiples ne sont donc pas à prendre à la légère, mais doivent mener à une grande vigilance de la part des professionnels en contact avec ces jeunes filles.